Effet de la taille sur l’efficacité technique des exploitations céréalières en Tunisie: cas de la Région Subhumide


Abstract

The objectives of this work are twofold. In first place, a stochastic frontier approach (SFA) is used to estimate the technical efficiency and its determinants of 232 durum wheat farms in sub-humid regions of northern Tunisia. Secondly, the relationship between the scores of technical efficiency and farms size is analyzed. The results showed that the average of farms technical efficiency is about 85% which means there is a potential of production increase about 15%. This potential is higher for the medium size of farms. Therefore, the relationship between size of farms and technical efficiency is not linear but quadratic. Also, the results indicated that inefficiency of medium farms which represent 36% of the surveyed farms is mainly attributed to the region and farmers educational level.

DOI: 10.30682/nm1804g

Zouhair Rached *, Ali Chebil **, Raoudha Khaldi *

*  Istituto Nazionale di Ricerche Agronomiche della Tunisia (INRAT), Ariana, Tunisia.

**  Istituto nazionale di ricerca in ingegneria rurale, acqua e foreste (INRGREF), Ariana, Tunisia.

Autore corrispondente: rachedzouhair1@Gmail.com.

Download PDF


1.Introduction

Le secteur céréalier, en Tunisie, est considéré parmi les secteurs stratégiques en raison de son importance économique et sociale dans le secteur agricole et sa contribution à la réalisation de l’objectif de la sécurité alimentaire. Sur le plan économique, la céréaliculture, représentée essentiellement par les cultures du blé dur, du blé tendre et de l’orge, contribue à raison de 13% à la production agricole durant les dernières années 2010-2016 (MARHP, 2016). Ce niveau représente presque le double de celui de la pêche, il est proche de celui du maraichage et il représente le tiers de l’arboriculture et de l’élevage. La céréaliculture occupe une part importante des superficies cultivées qui s’est stabilisée autour de 1,5 millions d’hectares, soit environ 33% de la Superficie Agricole Utile (SAU). Elle assure une partie considérable de l’alimentation des bétails et occupe une place importante dans la rotation culturale. Dans les échanges agricoles, les importations des céréales représentent en moyenne 45% des besoins du pays alors que les exportations (surtout en blé dur) sont de 10% du volume de la production. Par ailleurs, la céréaliculture alimente, à travers les minoteries et les semouleries, la chaîne de transformation de l’industrie agroalimentaire. Sur le plan social, ce secteur joue un rôle important dans la fixation de la population rurale et la préservation de l’emploi agricole. En effet, le nombre des exploitants céréaliers est de 240.000 dont 104.000 sont situés dans le nord de la Tunisie. La céréaliculture offre aussi 2,5 millions de journées de travail par an, soit 9% de l’emploi agricole total. Par ailleurs, une partie importante de l’activité céréalière est conduite en sec enregistrant par conséquent, des rendements faibles ne dépassant pas les 20 quintaux à l’hectare pour le blé dur, surtout dans la région subhumide où il occupe à lui seul 50% de la superficie céréalière. D’une façon générale, cette activité n’assure que 30,4% des besoins alimentaires en céréales qui constituent la base du régime alimentaire du consommateur tunisien en lui procurant 52% des calories et 53% des protéines végétales (INS, 2015). Par conséquent, le recours à l’importation reste encore la solution unique pour combler le déficit entre l’offre et la demande. Toutefois, dans un environnement caractérisé par la volatilité des prix internationaux, d’une part et la limitation des ressources productives d’autre part, l’optimisation d’usage des facteurs de production devient un objectif essentiel pour assurer la durabilité de l’activité céréalière, notamment celle du blé dur pour lequel de grandes potentialités existent pour l’amélioration de sa production en vue d’atteindre l’objectif d’autosuffisance, visé par les pouvoirs publics (MARHP, 2016). C’est dans ce cadre, s’insère ce travail de recherche qui cherche à analyser la productivité des céréales surtout dans les zones où les conditions climatiques sont favorables. Il s’agit d’estimer les scores d’efficacité techniques des exploitations céréalières, d’identifier leurs déterminants et d’examiner la corrélation entre l’efficacité technique des unités de production et leurs tailles pour les régions subhumides à savoir les gouvernorats de Béja, Jendouba et Bizerte. L’enquête sur les structures agricoles (MARHP, 2005) montre que le secteur céréalier concerne près de 50% du nombre total d’exploitations agricoles (250 mille) en Tunisie. Les grandes exploitations (de superficie > 50 ha) détiennent à elles seules 572,8 Mille ha, soit près de 23,2% de la superficie céréalière total, alors que ces grandes exploitations ne représentent que 2,6% du nombre total des exploitations. Les 80% des exploitations céréalières ayant des superficies inférieures à 20 ha, ne détiennent que 30% des superficies totales, marquant ainsi, un gros problème de morcellement. A cela s’ajoute, les contraintes climatiques et, édaphiques dont souffrent ces régions ainsi que les insuffisances constatées au niveau des techniques culturales et du matériel végétal (variétés améliorées) adoptés par les agriculteurs. Ce travail s’articule autour de trois parties. La première présente la méthodologie d’approche de la recherche. La deuxième est consacrée aux résultats d’estimation de l’efficacité technique ainsi que l’identification de ses déterminants et la corrélation entre la taille des exploitations et la performance technique. La dernière partie présente en guise de conclusion, les alternatives possibles pour l’amélioration de l’efficacité technique des exploitations.

2. Méthodologie et source des données

L’efficacité technique constitue un outil pertinent pour l’analyse des performances techniques des exploitations agricoles, notamment celles à vocation céréalière. Selon Farell (1957), l’efficacité technique mesure l’efficacité d’usage des ressources de production c’est-à-dire l’allocation des inputs utilisés dans le processus de production.

2.1. Mesure de l’efficacité technique

L’approche à frontière stochastique a été retenue pour la détermination des scores d’efficacité. Le modèle en une seule étape (fonction et déterminants) a été adopté pour l’estimation simultanée de la frontière de production stochastique et l’effet de l’inefficacité technique.

Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, plusieurs études utilisaient une approche en deux étapes : la première concerne l’estimation de la frontière stochastique et la deuxième consiste à spécifier un modèle de régression de l’indice d’efficacité technique d’une firme par des variables explicatives. Toutefois, cette procédure se heurte au problème de contradiction avec l’hypothèse d’indépendance des termes d’erreurs opéré lors de la première étape. En vue de contourner ce problème, plusieurs auteurs ont suggéré des variantes de modèles permettant l’estimation simultanée de la frontière de production stochastique et l’effet de l’inefficacité technique. En effet, pour estimer la frontière stochastique de production, le modèle établi par Kumbhakar et al.(1991), Reifschneider et Stevensen (1991), Battese et Coelli (1996), Huang et Liu (1994), Vangelise et al. (2002). Il est formulé comme suit :

Yi = f (xi ; β) evi – ui

ui = δ0 + zi δ + wi

où : Ydésigne le niveau de production de l’exploitation i, xi représente un vecteur d’intrants, β est un vecteur de paramètres à estimer, wi indique le terme d’erreur aléatoire.

Avec vi suit la loi normale N (0, σv2) et introduit les effets aléatoires dans le processus de production. La composante ui > 0, représente l’inefficacité technique en termes d’écart entre l’output observé et théorique. Dans ce travail, ui est spécifié comme une variable aléatoire normale tronquée avec une variance homoscédastique telle que : ui ~ N+(zi δ ; σu2). Les coefficients de la frontière de production du modèle des effets d’inefficacité technique et les paramètres de variances peuvent être estimés par la méthode de Maximum de Vraisemblance.

Le coefficient δ mesure l’effet des variables exogènes zi sur l’inefficacité. Lorsque ce coefficient prend une valeur positive, cela signifie que la variable correspondante a un impact négatif sur l’efficacité technique de production. Par contre, si le coefficient est précédé par un signe négatif la variable a un effet positif sur l’efficacité technique. Le modèle d’inefficacité technique pour une exploitation i pourrait être défini par l’expression suivante :

ETi = exp ( ui) = exp (–zi δ – wi)

L’estimateur de cette efficacité technique peut être obtenu par l’espérance conditionnelle de ui étant donné le terme de l’erreur composé (Jondrow et al. 1982).

Dans ce travail, les techniques de production du blé dur sont représentées par une forme fonctionnelle de type Cobb Douglass. Les équations ci-dessous présentent ces techniques ainsi que la composante relative aux effets d’inefficacité technique.

La forme de la fonction de production :

Yi = f (xi ; β) evi – ui

L’efficacité technique :

ETi = exp ( ui) = exp (–zi δ – wi)

où : ui : étant donné le terme de l’erreur composé ;

δi : Mesure l’effet des variables exogènes zi sur l’inefficacité ;

zi : Représente sont les variables exogènes expliquant l’inefficacité.

Il est à rappeler qu’en Tunisie, plusieurs études se sont intéressées aux facteurs explicatifs des indices d’efficacité technique de plusieurs production (olive à huile, cultures maraichères, dattes, céréales). Toutefois, ils ont mesuré l’efficacité productive et ont identifié ses déterminants Bachta et Chebil (2002), Karray et al. (2004), Chemak et Dhehibi (2010), Rached et al. (2012), Dhehibi et al. (2012) à partir d’un modèle simple à deux étapes séparant les effets des facteurs de production de ceux des déterminants.

2.2. Spécification économétrique du modèle de production et d’efficacité

Pour notre cas la production du blé dur a été estimée par la fonction suivante :

LnYi = β0 + β1LnKi + β2LnLi + β3LnMi +
β4LnCii + vi – ui

Avec:

Yi : le rendement du blé dur de l’exploitation i (en qx/ha) ;

Ki : le capital investit dans l’exploitation i (en Dt) ;

Li : le travail effectué au niveau de l’exploitation i (en Dt) ;

Mi : la valeur de la mécanisation utilisée par l’exploitation i (en Dt) ;

Cii : la valeur des consommations intermédiaires (fertilisants, produits de traitements) utilisés dans l’exploitation i pour la production du blé dur (en Dt) ;

L’identification des déterminants de l’inefficacité technique a été effectuée par l’estimation du modèle suivant :

Eti = cte + ∂1R1i+∂2R2i+∂3Ti+∂4NIi + ∂5PCi+∂6ASi

Avec :

R1i : la localisation géographique l’exploitation i (1 = Bizerte, 0 = non) ;

R2i : la localisation géographique l’exploitation i (1 = Beja, 0 = non) ;

Ti : la taille de l’exploitation (i) en ha ;

NIi : le niveau éducationnel de l’agriculteur i (NIi = 1 illettré, NI = 2 niveau Secondaires, NI = 3 niveau supérieur) ;

PCi : le taux de la superficie cultivée en céréales par rapport à la superficie totale agricole en %) ;

ASi : l’activité secondaire de l’exploitant (ASi = 1 si le producteur a une activité secondaire hors exploitation et AS = 0 si non).

Ces variables reflètent les conditions techniques et socio-économiques des exploitations retenues comme hypothèses de la variabilité des niveaux d’efficacité des exploitations.

Le logiciel utilisé pour l’estimation simultanée des scores d’efficacité des exploitations céréalières et des déterminants de l’efficacité technique est le Frontier 4.1 (Coelli, 1996).

2.3. Echantillonnage et collecte des données

L’efficacité technique des exploitations céréalières a été calculée sur la base des données micro-économiques collectées à travers des enquêtes directes auprès d’un échantillon de 232 producteurs des gouvernorats de Béja, Jendouba et Bizerte. La taille de l’échantillon est liée aux moyens humains et matériels dont on dispose mais tient compte de la représentativité des strates de superficie dans les trois gouvernorats. Le choix a été effectué au hasard à probabilité égale entre les exploitations et en collaboration avec les responsables des Commissariats Régionaux au Développement Agricole (CRDA) et des Cellules Territoriales de Vulgarisation (CTV) des régions mentionnées.

Le questionnaire de l’enquête est structuré en cinq parties. La première comprend l’identification socio-économique de l’exploitant et de l’exploitation. La deuxième porte sur l’amont de l’exploitation à savoir l’approvisionnement en intrants et l’appui de la vulgarisation. La troisième comprend la fiche technico-économique de production du blé dur durant la campagne agricole. La quatrième et la cinquième concernent les opérations post-récolte et les contraintes à la production.

3. Résultats et discussions 

3.1. Mesure de l’Efficacité Technique

Le Tableau 1 montre les résultats préliminaires de l’analyse des données de l’enquête. Il ressort de l’analyse descriptive que le rendement du blé dur varie entre 6 et 57 qx par hectare dans la région subhumide. Cette variabilité est remarquée pour toutes les valeurs des facteurs de production à savoir la mécanisation, les intrants, le capital et la main d’œuvre. Ce même tableau indique aussi que la production du blé dur est assurée par des exploitations de dimensions hétérogènes.

Par conséquent, l’analyse de l’efficacité technique trouve son importance dans ce travail pour expliquer cette variabilité productive. En effet, le Tableau 2 montre le résultat obtenu de l’estimation de la frontière de production de types Cobb-Douglas de la culture du blé dur.

Les résultats présentés dans ce tableau indiquent que les coefficients estimés de la main d’œuvre, de la mécanisation et du capital sont positifs. Ce résultat confirme la relation positive attendue entre les inputs et l’output. Les paramètres relatifs à la mécanisation, la main d’œuvre et les intrants ne sont significatifs qu’au seuil de 10%. Le coefficient relatif à la valeur des intrants est négatif, alors qu’il est attendu qu’il soit important et significatif. Cependant, puisque les conditions climatiques sont défavorables pour cette année, l’assimilation des éléments fertilisants d’une part, et la présence des chocs dus aux stresses chimiques et climatiques d’autre part, ont inhibé la croissance continue des céréales. Ces résultats sont similaires à ceux trouvés par Annabi et al. (2013). En effet, la réussite des opérations culturales tels que le désherbage chimique et la fertilisation azotée est conditionnée par la relation entre environnement climatique et condition physique du sol. Dans la majorité des cas, les céréaliculteurs réalisent parfois des opérations d’une façon systémique sans tenir compte des aléas climatiques, tel le cas des grands agriculteurs.

La fonction de production s’écrit donc de la manière suivante :

Log(Rdi)= 0,14 + 0,22 Log(Mi) + 0,20 Log(Li) + 0,22 Log(Ki) – 0,10 Log(Cii)

Rdi : le rendement du blé dur par hectare réalisé par l’exploitation i (qx/ha) ;

Mi : la valeur de travail mécanique effectué par l’exploitation i (DT/ha) ;

Li : la valeur de la main d’œuvre familiale et salarié utilisée (DT/ha) ;

Ki : le capital investit pour la production de l’exploitant i (DT/ha) ;

Cii : la Valeur des intrants utilisés pour la production (les engrais, les fongicides, les semences) en (DT/ha).

Les agriculteurs considèrent la fertilisation comme une nécessité sans tenir compte des résidus des précédents culturaux et sans faire des analyses des sols au début de la campagne. Cette pratique conduit au phénomène de phytotoxicité qui est aussi posé pour les désherbants et les fongicides.

Le paramètre γ reflète la présence du terme d’inefficacité. Il donne la proportion de la déviation entre la production observée et la frontière due à l’inefficacité technique. Si ce paramètre est égal à 1, le modèle se réduit à celui d’une frontière déterministe. Dans notre cas, la valeur du paramètre γ est de 70% pour l’ensemble des exploitations céréalières, ce qui indique que 30% de la variabilité de la production dépend de l’erreur aléatoire.

Le calcul des élasticités partielles de production, par rapport aux quatre facteurs de production, indiqués dans le Tableau 3 révèle l’impact des facteurs mécanisation, main d’œuvre, capital, et intrants sur la production céréalière. En effet, les élasticités de ces facteurs sont en moyenne de 0,22, 0,20, 0,22 et -0,10 respectivement (somme 0,54 c’est à dire le rendement d’échelle est décroissante). Autrement dit, une augmentation de 10% de la somme payée pour la mécanisation augmentera la valeur de la production de 2,2%. Une utilisation supplémentaire de 10% de la valeur de la main d’œuvre ajoutera à la valeur de la production une somme de 2% de la recette et une utilisation supplémentaire de 10% de la valeur du capital accroitra la recette totale de 2,2%.

Le résultat mentionné dans le Tableau 3 montre que les élasticités des facteurs de production sont faibles notamment pour les intrants.

Cette faiblesse s’explique par les effets d’assimilation insuffisante des intrants à cause du manque et/ou de la mauvaise répartition de la pluviométrie qui constitue le facteur le plus déterminant de l’offre céréalière, comme il a été démontré dans les études antérieures (Annabi et al., 2013).

3.2. Déterminants de l’inefficacité technique

Parallèlement, pour expliquer cette fluctuation d’inefficacité technique des exploitations produisant du blé dur et pour identifier les déterminants de l’efficacité productive, le modèle en une seule étape a été utilisé en retenant les variables socioéconomiques à savoir la région de l’exploitation, la taille de l’exploitation, la part de la superficie céréalière, le niveau d’instruction de l’exploitant et son activité.

Le Tableau 2 montre que la taille de l’exploitation affecte négativement l’efficacité technique, par contre le niveau d’instruction l’affecte positivement alors que, l’absentéisme des agriculteurs et la part des céréales dans la superficie totale n’ont pas d’effet significatif sur l’efficacité technique. En outre, les résultats montrent que l’efficacité technique est en relation positive avec la région de Béja.

3.3. Niveaux d’efficacité et gain potentiel par strate

Pour la prise de décision, la connaissance du niveau d’efficacité d’une production donnée est d’une grande utilité. Elle permet d’estimer le gain potentiel d’une culture donnée, en utilisant les mêmes quantités de facteurs de production (output oriented) et/ou d’identifier de combien peut-on réduire les intrants pour produire la même quantité d’output (input oriented).

La distribution des fréquences et des scores moyens de l’efficacité technique des exploitations céréalières enquêtées dans les régions subhumides est représentée dans le Tableau 4.

Ce dernier indique que l’efficacité technique moyenne est de l’ordre de 85% pour l’ensemble de l’échantillon. Toutefois, cette efficacité varie entre 56% et 97%. En classant les scores d’efficacité technique, on remarque que 6% des exploitations ont une efficacité inférieure à 70%, 34% présentent une efficacité comprise entre 70 et 85% et 60% ont une efficacité supérieure à 85%. Ces chiffres indiquent l’hétérogénéité des exploitations du point de vue technique et prouvent l’asymétrie d’information en matière de technique de production entre les régions étudiées. D’une façon générale, le niveau d’efficacité d’une grande partie des exploitations est satisfaisant.

La relation entre la taille de l’exploitation (s) et le gain d’efficacité (GT est le Gain de Timmer) a été estimée par l’équation quadratique suivante :

GT = 0 ,206 – 0,00079 s + 0,00000081s2

(32,6) (-8,87) (4,98)

Les valeurs indiquées entre parenthèses représentent les tests statistiques (t-student).

Cette équation polynomiale montre que la taille de l’exploitation (s) explique l’efficacité technique d’une manière non linéaire. Celle-ci révèle que l’efficacité croit avec la taille de l’exploitation puis décroit après une taille moyenne de 10 ha.

Étant donné que l’approche utilisée est la frontière stochastique, par output oriented, l’indice de Timmer a été identifié par l’expression suivante :

Indice de Timmer = 1- ETt

L’Indice de Timmer montre un gain moyen de 15%, variant de 7% à 19.6% selon la strate de superficie. Il est de près de 81% pour la strate 1, 80% pour la strate 2, 83% pour la strate 3 et 93% pour la quatrième strate (Tableau 5).

En d’autres termes, le calcul du gain en grains, avec les mêmes quantités de facteurs de production utilisées, montre qu’il est possible d’augmenter le rendement de 14,5% pour passer d’un rendement moyen de 24,25 q/ha pour le total de l’échantillon à 28 q/ha en gagnant ainsi 3,63 q/ha par exploitation.

Le Tableau 5 indique aussi que les petites exploitations (0,1-10 ha) ont un potentiel de d’augmentation de production de 18,8%, contre 19,6% pour les exploitations appartenant à la strate 2 (10-20 ha) et 17% pour ceux de la strate (20-50 ha) et seulement de 7,1% pour ceux de la strate supérieure à 50 ha.

3.4. Discussion

Les résultats obtenus montrent un différentiel d’efficacité technique entre les strates de superficies indiqué par les valeurs des scores de l’efficacité technique qui sont proportionnelles à la taille de l’exploitation céréalière. En effet, l’efficacité technique croit en fonction de la superficie des exploitations. Ces résultats sont en contradiction avec les résultats obtenus par Bachta et Chebil (2002) dans la région du Kef en appliquant un modèle déterministe. Ils ont montré une relation inverse entre la taille des exploitations céréalières et l’efficacité technique. Cette contradiction prouve que la taille de l’exploitation à elle seule ne constitue pas un critère pour la classification des exploitations agricoles, surtout quand il s’agit d’élaboration de plans ou stratégies pour le développement agricole. Cette différence des résultats semble être expliquée par la variation bioclimatique de la zone d’étude (Le Kef en zone semi-aride et Béja et Bizerte en zone subhumide). Ainsi, la typologie des exploitations agricoles devrait être basée sur une combinaison de variables techniques et socio-économiques.

Par ailleurs, les résultats obtenus par Dhehibi et al. (2012), en utilisant la même approche, montrent la relation linéaire entre la taille des exploitations et l’efficacité technique sur un échantillon réduit d’exploitations de la région de Bizerte (50 exploitations). Nos résultats viennent confirmer cette relation et la compléter par une analyse approfondie des scores d’efficacité par strate de superficie ayant permis d’identifier le potentiel de production et les gains de productivité de chaque strate.

4. Conclusion

Dans ce travail, l’efficacité technique des exploitations céréalières a été analysée dans les régions subhumides, la zone la plus favorable pour la production céréalière (Nord-Ouest de la Tunisie), en relation avec la taille de l’exploitation de blé dur. L’approche paramétrique de la fonction frontière stochastique en une seule étape a été utilisée. Pour ce faire, une enquête auprès de 232 céréaliers de cette région a été réalisée.

Le premier niveau d’analyse a montré que la production du blé dur est assurée par des exploitations hétérogènes et par conséquent réalisent des niveaux de production différenciés. En effet, une inefficacité technique des exploitations céréalières a été enregistrée et par conséquent une amélioration de la production de 15% pourrait être réalisée avec les mêmes ressources de production.

En outre, les résultats de l’analyse montrent que le niveau de l’efficacité technique est en relation quadratique avec la taille de l’exploitation. De ce fait, les principaux résultats pouvant être retenus de cette analyse indiquent l’existence de différentiels d’efficacité technique entre les strates de superficie. La culture de blé dur semble être plus maitrisée par les plus petites et les plus grandes exploitations que les moyennes exploitations.

En vue des résultats obtenus, il est possible d’augmenter la production céréalière pour atteindre la frontière de production, moyennant une meilleure utilisation des facteurs de production, notamment pour les moyennes exploitations. Ceci nécessite d’instaurer des programmes de développement qui devraient cibler les exploitations inefficaces, que l’étude a révélé qu’elles se situent entre 10-50 ha, afin de réduire leurs coûts de production et, par conséquent, améliorer leurs revenus. Le regroupement de ces exploitants en coopératives de production agricoles constitue une alternative soutenable afin d’améliorer l’efficacité d’usage des ressources de production et les performances techniques et économiques des exploitations. Des programmes de formation agricole sont aussi à mettre en place en ciblant les régions où les exploitations sont les moins efficaces, tel le cas de Jendouba. Parallèlement, des incitations financières pour l’accès aux crédits et aux nouvelles technologies pourraient être envisagées par les pouvoirs publics au profit des exploitations céréalières de 10 à 50 ha.

Références

Annabi M., Bahri H., Béhi O., Sfayhi D. and Cheikh M’hamed H., 2013. La fertilisation azotée du blé en Tunisie: évolution et principaux déterminants. Tropicultura, 31(4) : 247-252.

Bachta M.S. and Chebil A., 2002. Efficacité technique des exploitations céréalières de la plaine du Sers-Tunisie1. New Medit, 2/2002.

Battese G.E. and Coelli T.J, 1995. A model for technical inefficiency effects in a stochastic frontier production function for panel data. Empirical Economics, 20 : 325-332.

Chemak F. and Dhehibi B., 2010. Efficacité technique des exploitations en irrigué. Une approche paramétrique Versus non paramétrique. New Médit, 2/2010.

Coelli T.J., 1996. A guide to frontier version 4.1. A computer program for stochastic frontier production and cost function estimation. CEPA, working papers, 7/96, Australia.

Dhehibi B., Bahri H. and Annabi M., 2012. Input and output technical efficiency and total factor productivity of wheat production in Tunisia. AfJARE, 7(1), October 2012.

Huang C.J. and Liu J.T., 1994. Estimation of a non-neutral stochastic frontier production function. Journal of Productivity Analysis, 2: 171-180.

Institut National de la statistique (INS), 2010-2015. Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages, Tunis, Tunisie.

Jondrow J., Lovell C.A., Materov I.S. and Schmidt P., 1982. On the Estimation of Technical Inefficiency in the Stochastic Frontier Production Function Model. Econometrics, 19: 233-238.

Karray B., Lachaal L., Dhehibi B. et Chebil A., 2004. Mesure et déterminants de l’efficacité technique «cas des exploitations oléicoles de la région de Sfax».

Kumbhakar S.C., Ghosh S. and McGuckin J.T., 1991. A generalized production frontier approach for estimating determinants of inefficiency in U.S. dairy farms. Journal of Business and Economics Statistics, 9: 279-286.

Lasrem A., Dellagi H., Masmoudi M.M. et Ben Mechlia N., 2015. Productivité de l’eau du blé dur irrigué face à la variabilité climatique. New Medit, 1/2015.

Ministère de l’Agriculture des Resource Hydrauliques et de la Pêche (MARHP). 2005 enquête sur les structures des exploitations agricoles, DGEDA et ONAGRI. http://www.onagri.tn/.

Ministère de l’Agriculture des Resource Hydrauliques et de la Pêche MARHP, 2012-2015. Budgets économique. DGEDA et ONAGRI. http://www.onagri.tn/.

Rached Z., Selmi A. et Khaldi R., 2012. Etude comparative de la performance des dattes biologiques en Tunisie. Cas de la région de Hezoua. New Medit, 3/2012.

Reifschneider D. et Stevenson R., 1991. Systematic departures from the frontier: A framework for the analysis of firm inefficiency. International Economic Review, 32: 715-723.

Vangelis T., Christos J.P. and Christos F., 2002. Empirical evidence of technical efficiency Levels in greek Organic and conventional farms. Agricultural Journal of economics, 3(2).